J11 de Belem à Marajo Salvaterra
Lever matinal, pour être à poste à temps pour le départ du ferry de transport vers Marajo. Une embarcation pour 120 passagers, quand même. Au choix, on dirait la grande cabine d’un avion avec les vibrations de la houle, et du diésel, qui nous pousse à grande vitesse. Le tout avec une clim de bureau qui souffle un air glacé sur les cheveux. Effet garanti. On peut heureusement se singulariser de la population, en sortant sur une plage arrière ensoleillée à cette heure de la journée, dominant le sillage frénétique qui s’élève à l’arrière comme le panache blanc d’Henri IV.
Deux heures de ce rythme effréné nous amènent sans mal au ponton de la ville de Salva Terra. Ezéchiel, notre guide du jour nous y accueille. Un bus Trafic Renault nous transportera tout le jour. Pas vraiment confortable, mais pittoresque. Au programme, traversée de Salva Terra, classique, et arrivée à la Pousada dos Guaras (espèce de perroquet).
Surprise, la pousada est… au bord de l’eau, c’est-à-dire une plage de sable nantie d’un quinquonce de huttes parasols au toit de palme de coco. Cela ne déparerait pas Miami, ou n’importe quelle plage tropicale dite de rêve. L’image que nous rapporterons du Brésil sera donc celle-là, sable fin et vahinés en mini deux pièces. Cela ne m’aide guère pour l’objectif de ce voyage, moi qui n’apprécie que peu la piscine, les transats, le sable sur les pieds, et le séjour plagesque où il fait trop chaud, et où pleuvent les coups de soleil. Ici, c’est aussi assorti de méchants petits moustiques inaudibles. C’est la démangeaison seule qui annonce la mauvaise nouvelle.
Nous voilà repartis pour une nouvelle traversée d’un bras de rivière sur un ferry classique, plate en acier, propulsée par un mini pousseur à l’arrière. Pour le coup, le demi-tour dans la rivière est ultra lent. L’étrave se présente devant à chaque accostage. La rampe en ferraille grince sur le béton de la cale inclinée. Un chaland débarque d’abord un grand bus, dont le pare choc racle l’acier. Un homme dispose deux poutres sous les roues avant pour améliorer la trajectoire. Puis il faut transférer les poutres entre les essieux pour faire passer l’arrière. Voilà des camions, des cars et des fourgons, des motos, des vélos, et même une charrette à bras pour débarquer trois sacs de céréales plus gros que l’homme qui les pousse. Etonnant le trafic entre Soure, et Salva Terra un terça-feira (mardi).
La traversée est donc douce du bras de rivière. Une inscription en béton peint nous souhaite la bienvenue à Soure, capitale de l'île Marajo plus grande que la Suisse. Nous traversons avec présentation de l’urbanisme (15000 habitants) aux rues numérotées. Puis halte à une passerelle surplombant la mangrove, ses lianes, racines et crabes en tout genre (enfin tout genre, je veux dire féminin, ou masculin pour les crabes, ne vous méprenez pas, de nos jours avec ce mot genre, on devient prudent) Au bout, surprise on se propulse vers une plage de rêve, telle Miami, c’est le paraiso (paradis) local, la plage préférée des habitants de Soure, selon les inscriptions sur les paillottes au toit couvert de palmes séchées et aux madriers plantés à même le sable. Ezéchiel y a ses copains. Le plus fort débit ici, c’est celui de la bière, fraîche dans une thermos en polyester. Bien agréable, les pieds dans le sable. Nous, on sillonne le bord de rivière-mer d’eau douce (nous sommes encore à 100km de l’Atlantique, mais le sable et les vagues font confondre). Des pêcheurs avec un filet à la main courent le long de l’eau pour remettre leur engin dans la prochaine baïne au bord de l’eau.
D’un parasol à un autre, d’une cerveija à l’autre, l’après-midi s’avance. Nous voilà à présent plongé dans l’artisanat local, ils veulent dire amérindien. D’abord un potier, une plume dans ses longs cheveux ondulés bien peignés, nous fait l’article en portugais, tout en faisant monter l’argile.
Comme il est habile, nous pensons à la thèse que Cyprien soutient le 9 janvier 2017 à Toulouse, avec le potier chez Jérémie, en y associant Dieu. Le savoir- faire amérindien est sans doute extrême. Pourtant, ils n’ont pas prospéré, ni avant ni après l’arrivée des Portugais, et autres immigrants.
Halte ensuite dans une baraque vendant du cuir. Là non plus, on n’est pas submergé par l’originalité, ni la qualité. Nos compagnons brésiliens de voyage du jour apprécient plus que nous et sont meilleurs clients. Nous réalisons à la fin de la visite que cette échoppe jouxte l’abattoir municipal. Il y a peu de distance entre le producteur (buffle) et le consommateur du cuir. Quelle optimisation technique en Amazonie !
15 minutes à passer dans le centre-ville où est le siège de l’évêque, dans une simple église-cathédrale. La crèche est là, comme partout au Brésil. Ici, les maisons sont découpées dans du polystyrène, avec des santons du plus pur style sulpicien. Instant de prière. Deux courses dans un supermercato de campagne où l’on ne fera pas de folies, et voilà le soleil couchant irrisant la rivière et l'objectif de l'appareil photo.
A notre pousada, séance piscine fraîche, douche bien chaude, pour ne pas avoir froid, mais si, mais si. C’est l’angoisse du milieu de voyage : qu’est-ce que je fais là ? Pourquoi suis-je venu ? Clarisse que nous visitons est ailleurs. Etre à deux sur le chemin du Royaume ? Puis dîner nocturne avec du bon bœuf bord de piscine, bonsoir.
Rencontres : Ezéchiel notre guide exerce son français, mais du coup ne capte pas quand on essaye du portugais.